jeudi 24 juillet 2008

Cara et moi -et moi


Lorsque j'ai lu Cara et moi (qui s'appelle Hood en version originale), j'ai connu un grand moment de lecture. J'ai tout de suite eu envie de le partager avec toi, amie lectrice. Chose qui a pris du temps, car je l'ai lu pour la première fois en 2000 ou 2001, il me semble. Comme quoi, j'ai de la suite dans les idées, pour reprendre une expression de ma mère.
C'est un livre écrit avec une grande intelligence, qui se manifeste autant dans le récit pur que dans son agencement, l'ensemble témoignant d'une belle sensualité. Tout a son importance, du chèvrefeuille qui encadre la porte de la maison au vieux coussin jaune sous le hamac, du bruit de la chatière à celui des robinets de la baignoire.
Le sujet universel et on ne peut plus intime permet à l'auteur, Emma Donoghue, un contrepied (ou contrechant, car elle manifeste une grande attention à la dimension sonore) élaboré, tout en restant très attentive à son lecteur, pour qui la lecture est aisée, riche, originale. La semaine la plus importante de la vie de l'héroïne, Pen, se déroule au rythme de ses interrogations, de ses souvenirs (toujours au présent, un moyen de les rendre très vifs, souci capital eu égard au contexte! Alors que le présent est... au passé).
Elle rend aussi de manière magistrale la dimension érotique d'une relation lesbienne à long terme, et ce n'est pas la moindre des qualités de ce roman. Nous sommes trop habituées à avoir les oreilles rebattues de l'excitation de la rencontre, de la nouveauté, de l'établissement des affriolantes prémisses de la relation, et à l'opposé de l'horrible, menaçante, écrasante (à mon humble avis mythique, tel le croquemitaine) LBD (Lesbian Bed Death, un concept né de la réflexion (?) de certaines de nos amies anglosaxonnes -Merci, Pepper Schwartz!- en français Mort du Lit Lesbien, autrement dit raréfaction ou disparition des rapports sexuels dans les vieux couples... J'en entends rire à gorge déployée.)
Et puis j'ai aimé ressentir de plus près ce qu'était l'atmosphère dans la très catholique capitale irlandaise des années 1970 et 1990, avec ses rebelles tête nue (les féministes, les militantes lesbiennes, alternatives...) ou tête dissimulée sous le capuchon du strict manteau des convenances (Penelope qui tisse, rapièce ou rabiboche les étoffes bigarrées qui composent l'amour de sa vie, avec le fil de sa lucidité et de son humour irrésistible). Au son des Variations Goldberg, dans la version de Glenn Gould, 1955 (je te l'ai mise ci-après, si tu veux l'écouter).
Il ne me reste plus qu'à espérer que, quelque part, là où tu es, Cara et moi t'émeuve et te régale autant que moi.





(Merci François pour ces couvertures de rêve!)