samedi 21 novembre 2009

Precious de Lee Daniels

La mécanicienne est toujours curieuse de voir les adaptations cinématographiques d'œuvres littéraires : deux modes d'expression, deux univers aux moyens parfois proches, parfois très éloignés, de dire le monde, qu'il soit physique, métaphysique ou onirique.
En ces temps de festival Chéris-Chéries au forum des Images de Paris-Les Halles, il est dans l'air de parler cinéma.
Alors pour le plaisir et parce qu'elle est très très impatiente de voir l'adaptation d'un livre magnifique, Push, de l'écrivaine et poétesse étasunienne Sapphire (publié en France aux Éditions de l'Olivier et disponible en poche chez Points Seuil), voici la bande-annonce du film Precious, présenté à Cannes en 2009, que l'on pourra voir en salles en France en mars 2010... Nos amies canadiennes auront la chance d'en profiter dès le 27 novembre.
(Au casting : Gabourey Sidibe, Mo'Nique, Paula Patton, Mariah Carey, Lenny Kravitz...)

Nous en entendrons parler !



(B.O. : Tu te rappelles Destiny, de Mary J. Blige ?)

mardi 10 novembre 2009

Joindre l'utile à l'agréable...

Comme toi sans doute, amie lectrice, nous nous sentons concernées par les questions environnementales, dans le mesure de nos moyens (réduction de la consommation d'encres et papiers, choix de fournitures et partenaires animés de la même volonté, recyclage...)
Une organisation internationale (350.org) milite pour sensibiliser les décideurs du monde entier à faire le nécessaire à l'échelle politique afin que les émissions de CO2 soient ramenées à la limite établie par les scientifiques, soit 350 ppm, au-delà de laquelle le réchauffement climatique nous réserve des catastrophes. Nous en sommes à 390 ppm.
L'initiative ci-dessous montre l'effeuillage d'une poignée de mannequins engagées qui font baisser la jauge à chaque vêtement retiré. La question est : arrivera-t-on à 350 ?


dimanche 18 octobre 2009

Une famille ordinaire ?




Le message d'aujourd'hui, amie lectrice, est dédié à toutes les familles homoparentales, à travers l'exemple de la famille Leffew, du nord de la Californie. Elle se compose de deux pères, Jay et Bryan, qui ont adopté Daniel et Selena, frère et sœur biologiques.
Constatant que des familles comme la leur étaient invisibles ou presque, révoltés comme beaucoup par le vote de la Proposition 8* et soucieux de montrer qu'une famille homoparentale est avant tout une famille parfaitement normale, les Leffew ont filmé leur quotidien et posté régulièrement sur YouTube leurs séquences.
Ils ont persisté devant la certitude exprimée par de nombreuses personnes, qui le leur ont fait très directement savoir, que des enfants ne pouvaient être heureux, équilibrés et bien dans leur peau en étant élevés par deux hommes.
Le succès de leurs vidéos les a ensuite poussés à en filmer une série distincte, consacrée à répondre aux questions des internautes sur leur famille (Ask a gay family). En particulier, ils ont reçu bon nombre de commentaires affirmant que des enfants ne pouvaient grandir correctement qu'entourés d'un père et d'une mère. Leur réponse est simple : ils sont des parents de fait, chaque jour de leur vie, ils élèvent deux beaux enfants heureux et en bonne santé, eux-mêmes forment un foyer stable et basé sur l'amour qui les lie.
De plus, ajoute Jay dans une vidéo, on ne vit pas dans un monde parfait, car dans un monde parfait, Daniel et Selena vivraient avec leurs parents biologiques, dans un monde parfait, leur mère aurait souhaité s'en occuper, dans un monde parfait, elle n'aurait pas eu des problèmes de drogue, dans un monde parfait, ces problèmes de drogue n'auraient pas affecté le développement physique de son enfant, dans un monde parfait, le manque de soin de ses parents biologiques n'aurait pas handicapé Daniel…
Lorsqu'on leur rétorque que les enfants auraient pu aisément être adoptés par un couple hétérosexuel, la réplique est claire : Daniel avait un frère plus jeune, Emilio, un nourrisson, placé en foyer avec lui. La loi californienne veut qu'on ne sépare pas les frères et sœurs pendant un an. Au cours de ce long délai, aucun couple hétérosexuel en attente d'adoption, dans toute la Californie (37,7 millions d'habitants) n'a accepté de prendre les frères, en raison de la gravité des problèmes de Daniel (ses organes vitaux ne sont pas à leur place, il a par exemple le cœur sous l'aisselle gauche, ce qui implique la nécessité de nombreuses et lourdes opérations chirurgicales, environ une par an, au cours de son développement). Au bout d'un an, Emilio a été adopté par un couple qui l'élève dorénavant en tant que son enfant biologique.
Daniel a passé trois ans à l'orphelinat. Pendant ce temps, sa mère biologique a eu Selena, qui a été placée avec Daniel dès l'âge d'un mois. À onze mois et demi, la date approchant où elle serait séparée de son frère, les services sociaux, vu le dossier de Jay et Bryan, les a suppliés d'accepter de prendre les deux enfants, pour ne pas les séparer.

Ces films familiaux n'ont pas manqué d'attirer l'attention des sites LGBT (beaucoup ont été relayés sur Queerty, par exemple), jusqu'à être vus par le National Equality Council**, qui a choisi de leur remettre le prix Equality.

Parce que l'égalité des droits, ça n'est pas que de l'idéologie, c'est aussi la vie quotidienne de millions de gens qui, bien que minoritaires, sont là. Et bien là.


-----------------------
* La proposition 8 est un amendement à la constitution de l'état de Californie qui interdit le mariage entre individus de même sexe, voté lors de l'élection présidentielle de 2008.

** Le N.E.C. est un groupe qui se bat pour que les familles LGBT soient également prises en compte dans la législation familiale étasunienne et correctement représentées dans les médias généralistes : www.familyequality.org

-----------------------
Merci les Leffew et le NEC.

samedi 17 octobre 2009

Sourire vertical

Amie lectrice, je ne résiste pas au plaisir de partager avec toi l'excellente photo de Lisistrata94 découverte au hasard de mes pérégrinations, et que son auteure a eu la gentillesse (gracias, Carmen ;-) de me permettre de te montrer sur ce blog.
Le mouvement féministe est vivace en Espagne, comme en témoigne ce sage conseil peint à la bombe sur un mur : ÉTEINS LA TÉLÉ, STIMULE TON CLITORIS.



© Lisitrata94

jeudi 1 octobre 2009

Le rire, c'est bon pour la santé

La mécanicienne est très sensibilisée au problème du cancer en général, et du dépistage en particulier. C'est pourquoi aujourd'hui, amie lectrice, elle te fait partager la vidéo très amusante qui suit, dont l'objectif est de rappeler aux femmes de se palper les seins... Je sais, je sais... Doit-on vraiment te le rappeler ? Oui, surtout si c'est l'occasion de voir quelques jeunes actrices américaines bien connues se livrer à des palpations mammaires entre elles ;-)

En pleine séance de papotage entre copines, nos amies paniquent lorsque l'une d'entre elles se découvre une grosseur au sein... Une bonne copine vient à la rescousse pour vérifier, et, naturellement, la chute est heureuse.
Amuse-toi bien, amie lectrice et n'oublie pas de... te palper les seins (ou, mieux, de te les faire palper ;-)) loin des objectifs des paparazzi !






Source : Funy or die

dimanche 27 septembre 2009

Récréation, 6

Pour le plaisir de revoir un excellent court-métrage de Céline Sciamma (Naissance des pieuvres), réalisé dans le cadre d'une campagne de lutte contre l'homophobie.


vendredi 25 septembre 2009

Plaisir d'offrir : Mahjouba



Nous avons le bonheur d'avoir au catalogue une formidable auteure française qui nous accompagne depuis le premier jour : Lucie Brocard. Elle nous a effectivement accordé assez de confiance pour choisir de publier avec nous son premier roman, Le Saut de grenouille, avec lequel nous avons lancé notre maison. Un récit fin, délicat et non dénué d'une certaine extravagance discrète pleine de charme.
Par la suite est paru un recueil de nouvelles, (forme dans laquelle elle excelle), intitulé Cave n°55. Si tu n'as pas eu le plaisir de le lire, amie lectrice, nous t'en offrons aujourd'hui quelques pages, car ce livre est aujourd'hui épuisé et que nous persistons à vouloir le partager avec toi, malgré tout.
La nouvelle que nous avons choisi de concert avec Lucie nous a semblé d'actualité : tu y découvriras une sensibilité, un style et un engagement qui sont bien la marque de cette auteure*.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
MAHJOUBA


Monsieur le Président,

Je n’ai pas l’habitude d’écrire à un Président, et je préfère être honnête, je n’ai pas voté pour vous. Je n’écrirais pas si je pouvais faire autrement. Mais vous êtes le Président, alors je vous écris.
Je voudrais que Mahjouba revienne. Mahjouba est mon amie, je ne peux pas vivre sans elle. J’ai besoin qu’elle soit avec moi comme avant. J’ai besoin de la sentir à côté de moi, j’ai besoin de l’entendre, j’ai besoin de savoir qu’elle est là. J’ai quarante-cinq ans, je n’ai jamais rien demandé à personne. Je travaille dans une usine depuis l’âge de dix-sept ans. Mon salaire est suffisant pour payer mon loyer et ma nourriture, je peux même de temps en temps m’acheter des livres, j’aime bien lire. Je suis contente de ce travail parce qu’il est stable et d’où je viens, c’est important la stabilité. Avoir un toit et être sûre de pouvoir manger. Je ne vais pas vous raconter l’histoire de ma famille, mais vous pouvez me croire sur parole : c’est important. Je m’entends bien avec mes collègues, certains sont mes amis. Je n’ai pas de problème avec ma hiérarchie, je fais mon travail, je suis toujours à l’heure, je suis aimable et je ne cherche pas à avoir plus que ce qu’on me donne. L’année dernière, j’ai eu la grippe. Le médecin est venu, il m’a prescrit des médicaments et arrêtée pour une semaine. C’était au mois d’octobre. Avant, je n’avais jamais été malade. Le médecin m’a dit de garder le lit et de me reposer. Je n’ai pas l’habitude de rester chez moi à ne rien faire. Même les jours de congé, je sors. Je vais me promener, je vais regarder les gens. J’ai pris une couverture, je l’ai mise sur mes épaules, je me suis installée à la fenêtre du salon. J’ai deux pièces, ma chambre et le salon. Les fenêtres donnent sur une grande pelouse, après la pelouse il y a un trottoir assez large pour que deux poussettes se croisent, et puis la route. De l’autre côté de la route, il y a une autre cité. C’est l’avenue qui traverse la ville. Le bus que je prends pour aller au travail s’arrête juste en face. J’ai de la chance, parce que mon amie Béatrice, qui prend le même bus que moi, doit marcher plus d’un quart d’heure. Elle habite tout au fond. J’ai regardé dehors. Il ne se passait pas grand-chose, c’était un mardi, il faisait froid et il pleuvait. Parfois, des femmes passaient, chargées de sacs de provisions, ou bien des hommes, tirant sur leur cigarette. Des jeunes aussi, qui semblaient affairés et se saluaient du plat de la main puis du poing, enfin je ne sais pas très bien comment ils faisaient mais c’était beau. J’aurais bien aimé saluer comme ça, moi aussi. Mais j’ai passé l’âge, et puis c’est un salut entre garçons. Au bout d’un moment, quelque chose m’a intriguée. Sous l’abribus, je voyais quelqu’un qui ne bougeait pas. Les bus se succédaient, et le quelqu’un était toujours là. D’où j’étais je ne distinguais qu’une forme vêtue de noir, un peu courbée, pas très grande. Il y avait un gros sac marron à ses pieds. Le quelqu’un est resté là toute la journée. Le soir, je l’ai vu se lever, prendre son sac, partir le long de la route. Ça ma rendue triste, parce que je me suis imaginé que ce quelqu’un avait attendu toute la journée un autre quelqu’un qui n’était pas venu. J’ai regardé un film assez idiot, et je me suis endormie avec des cauchemars. À cause de la grippe je suppose. Le lendemain je me suis réveillée tôt, comme d’habitude, j’ai préparé mon thé, je me suis dit que finalement j’étais assez contente de ne pas devoir aller travailler. Je me sentais faible, j’avais mal un peu partout, mais j’étais bien, il faisait chaud dans mon appartement et ce n’était pas si désagréable de ne rien faire. J’ai pris ma tasse de thé, je suis allée m’asseoir dans mon fauteuil, j’ai commencé à regarder dehors. Il pleuvait comme la veille, le jour était levé mais il était bas et gris. La pelouse commençait à devenir vert brun, à force de pluie. Sous l’abribus, le quelqu’un était revenu. Le même, assis pareil, avec son sac marron aux pieds. À midi j’ai déjeuné d’un œuf. Au goûter j’ai bu une tisane. Le quelqu’un était toujours là, il n’avait rien mangé de la journée. Les gens arrivaient, attendaient le bus, debout ou assis à côté du quelqu’un, ils montaient dans le bus quand il arrivait. Le quelqu’un se retrouvait toujours seul ensuite. En fin d’après-midi, j’ai eu peur. Je ne voulais pas revoir la scène de la veille, le quelqu’un qui s’en allait à pied le long de la route, sa valise à la main et le dos courbé. Je suis descendue. Je suis allée jusqu’à l’abribus, et une fois arrivée dessous, j’ai regardé le quelqu’un. C’était une femme. Je me suis sentie intimidée, je suis restée quelques minutes debout sans oser m’asseoir à côté d’elle, j’ai fait comme si j’allais prendre le bus. La femme avait une cinquantaine d’années, le visage fatigué, les yeux dans le vague. En fait, de près, elle semblait ne rien attendre. Le bus s’est arrêté, j’ai profité du mouvement qu’a créé son arrivée pour m’asseoir à côté de la femme. Elle ne m’a pas remarquée. Ce n’est qu’au deuxième bus qu’elle a noté que je n’étais pas montée dedans, j’ai perçu un mouvement de son corps. J’en ai profité pour tourner la tête vers elle, j’ai fait mon plus beau sourire et j’ai dit : C’est pas parce qu’il s’arrête qu’il faut monter dedans, si ? Elle a souri, elle a murmuré : Oui, puis elle est retournée à ses vagues. Je ne voulais pas qu’elle s’en aille. Je lui ai demandé si elle aimait le thé au miel. Elle m’a regardée, l’air étonné, j’ai expliqué que c’était juste du thé à la bergamote dans lequel je mettais du miel pour qu’il tapisse l’intérieur. Elle ne semblait pas comprendre. Je ne sais pas ce qui s’est passé dans mon esprit à ce moment-là, en tout cas j’ai pris la main de la femme dans la mienne, j’ai dit : Venez, je vous fais goûter, et je l’ai amenée chez moi. On a parlé. Elle est restée dormir là le soir, et les soirs d’après. J’ai guéri de ma grippe, j’ai repris mon travail, on s’est organisées, elle et moi. Ma vie a changé. En surface, on n’aurait pas dit. J’avais toujours les mêmes horaires, le même travail, le même appartement. Mais il suffisait de gratter un peu pour voir que tout était différent. J’étais heureuse. On se faisait rire, Mahjouba et moi. Je n’avais jamais ri comme ça de ma vie, je crois qu’elle non plus. Elle n’avait pas eu une vie drôle. Elle avait été mariée à quinze ans, elle avait eu quatre enfants, ils étaient tous grands maintenant. Ça se passait bien, disons que ce n’était pas l’enfer, c’était la vie. Mais un jour son mari avait décidé de prendre une autre femme, elle n’avait pas supporté. Ce n’est pas qu’elle était jalouse spécialement, mais c’est dur que votre mari vous dise après trente ans de construction ensemble que vous êtes usée et qu’il en prend une autre pour continuer. Comme elle faisait la vie rude à son mari à cause de l’autre femme, il l’avait répudiée. Ses enfants lui en ont voulu à cause de la répudiation. Alors que ce n’était pas de sa faute. Après ça, il y a eu un type de la famille voisine qui cherchait une femme, ce type vivait en France, il avait quarante-sept ans et personne ne trouvait normal qu’il n’ait pas encore de femme. Tout le monde a voulu que Mahjouba devienne sa femme, et Mahjouba m’a dit : J’ai accepté parce que mon mari il m’avait prise comme si j’étais un caillou, il m’avait mise au fond de sa poche, et ensuite il m’avait jetée parce qu’il voulait y mettre un autre caillou, alors je me suis dit qu’il fallait que je lui montre, à lui et aux autres, que j’avais des bras et des jambes et une tête et voilà pourquoi j’ai accepté d’aller en France. Son nouveau mari habitait un petit appartement dans le nord de Paris. Quand elle était arrivée il avait tout de suite voulu coucher avec elle, ensuite elle avait eu un goût d’égout dans le sexe mais elle se disait qu’elle allait s’habituer. Elle avait rangé ses affaires dans un placard et commencé à faire sa vie de femme, la cuisine, le ménage, et tout. Mais lui en réalité il ne voulait pas de femme chez lui, alors au bout de quinze jours il lui avait fait sa valise, il la lui avait tendue en disant qu’ils n’avaient qu’à être mariés à distance, elle avait dû partir. Il lui avait acheté son billet d’avion. Elle s’était retrouvée dans la rue, le billet d’avion à la main, il lui avait expliqué le chemin pour l’aéroport. Elle avait pris le RER direction Roissy mais à peu près au milieu du trajet, elle en était descendue, parce qu’elle ne pouvait pas prendre l’avion. Elle ne pouvait pas rentrer, parce que rentrer pour elle c’était comme aller au cimetière se coucher dans sa tombe en attendant la mort. Elle avait quitté le RER et marché dans la ville, elle s’était débrouillée pour manger, elle dormait vaguement et parfois sous un toit, mais pas toujours. L’abribus en face de chez moi, elle l’aimait bien parce qu’il y avait un tag dessus qui disait : J’ai pas peur de vous, je suis un caillou. Ça la rassurait. Voilà. Après on s’est rencontrées et ce n’est pas grave qu’on se soit rencontrées si tard dans nos vies. Le principal c’est qu’on se soit rencontrées avant qu’il ne soit trop tard. Je ne savais pas que c’était possible d’être aussi heureuse. Je suis contente d’avoir appris ce que c’était que l’amour. Je ne parle pas d’amitié, Monsieur le Président. Un jour, elle a pleuré, c’était un dimanche, il faisait beau, on entendait les cris des enfants dehors. Je lui ai demandé pourquoi elle pleurait, elle a répondu : Pour rien, j’ai juste envie de pleurer parce que je sais que tu peux me consoler. Vous voyez ? Ensuite, on a voulu qu’elle ait des papiers, pour être en règle. La dernière fois qu’elle a été convoquée à la Préfecture, elle y est allée toute seule, on pensait que c’était juste pour apporter un nouveau document, elle y est allée, elle n’est pas revenue. J’ai fait tout ce que j’ai pu, rien n’a marché, même le tribunal a dit qu’il n’y avait pas de raison quelle reste en France. Ils l’ont reconduite, et moi je vais vous dire, Monsieur le Président : il faut qu’elle revienne, parce que Mahjouba c’était ma lumière, et moi j’étais la sienne. On n’a plus de lumière, là. On ne peut pas laisser quelqu’un tout seul dans le noir. Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.





© Lucie Brocard & Editions Dans L'Engrenage.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

* Née en 1974 à Nancy, Lucie Brocard vit à Paris, où elle est juriste, spécialiste du droit des étrangers.
Ses nouvelles ont été publiées dans des revues littéraires, et l'une d'elles adaptée au cinéma par F. Laurent et J.M. Burgin : Le Soldat (court métrage, 2004).


Merci Lucie Brocard


© Photo D.R.

jeudi 17 septembre 2009

La larme à l'œil

Comme tu ne le sais que trop bien, amie lectrice, légions sont ceux qui non seulement ne comprennent pas que l'amour, le vrai, puisse exister entre personnes de même sexe, mais luttent contre les droits des homosexuels, ici ou ailleurs, contre notre droit de vivre ensemble et de nous soutenir, contre le droit d'élever nos enfants
J'ai envie de te faire profiter aujourd'hui de la délicieuse vidéo ci-après, une vidéo familiale montrant le mariage de deux hommes qui s'aiment et partagent leur vie depuis 26 ans, et ont élevé une magnifique jeune femme. En ce jour particulier, elle tient (tant bien que mal, la pauvre) à leur rendre hommage, et à exprimer son incompréhension devant ceux qui se posent en censeurs de ses parents.

mercredi 26 août 2009

Elisa et Marcela, les mariées de l'an 1


Tu n’as pas manqué de me faire savoir, amie lectrice, que le billet récent nous présentant Marion avait fait ton bonheur. Ce qui, tu t’en doutes, m’a donné une idée : désormais, régulièrement, je viendrai te présenter des femmes existant ou ayant existé, qui enrichiront encore le sel et l’or que la fiction de nos romans répand dans nos vies.

Aujourd’hui, voici l’histoire de deux Espagnoles du début du XXe siècle, Elisa et Marcela. Dans un pays qui a légalisé le mariage homosexuel en 2005, elles sont en réalité, bien qu’un peu oubliées, les deux premières femmes légalement mariées — 104 ans plus tôt, en 1901.

La mécanicienne a tendu l’oreille pour écouter la voix d’Elisa, surgie du passé, et lui a prêté sa plume.


Laissons dans le silence ce qui a précédé. Quelle importance, puisque notre vie a commencé là, avec cette lumineuse rencontre, au début des années 1880, sur les bancs de l’École Normale de La Corogne, en Galice. Nous voulions être institutrices. Vaste mission à une époque où l’immense majorité de la population était analphabète ! Je m’appelais Elisa Sánchez Loriga. Elle, elle s’appelait Marcela Gracia Ibeas. J’avais trois ans de plus qu’elle, mais entre nous, l’amitié a été instantanée et fulgurante. Nous sommes rapidement devenues inséparables, passionnées, puis amantes dans le secret du sommeil de nos camarades, absorbées l’une en l’autre… Et imprudentes. Marcela ne cessait de parler de moi quand elle rentrait chez elle. Nous étions heureuses, nos corps exultaient et les mots débordaient, écoutés avec étonnement, repris dans le secret d’une réunion de famille, incompris, souillés, piétinés. On connaît les emportements affectifs des jeunes femmes, se disait-on, rien qu’un bon mariage ne puisse endiguer, calmer, tarir et mettre au pas… Mais là, il y avait trop de fougue dans la voix de Marcela, un éclat trop vif dans son regard. D’abord heureux de l’amitié de leur fille avec une camarade de bonne famille, orpheline d’un père professeur d’anglais, son enthousiasme a fini par éveiller les soupçons de ses parents. Aberrant. Inconvenant. Gênant. Dangereux. Les jugements allaient bon train. Notre relation dépassait à l’évidence les limites de ce qui était socialement acceptable et la peur du scandale nous a finalement séparées. Marcela a été exilée par son père quatre mois à Madrid, tandis que je demeurais à La Corogne. 600 kilomètres, cela paraissait la solution, la distance et le temps auraient naturellement raison de nos égarements contre nature et l’honneur serait sauf… Tout rentrerait vite dans l’ordre. Portées par la certitude de la force de nos sentiments, nous avons compris qu’il fallait attendre et beaucoup espérer. Oui, nous avons attendu et beaucoup espéré, bercées par nos souvenirs et d’inébranlables promesses. Nous avons enfin décroché notre diplôme, moi d’abord, Marcela quelque temps plus tard… et le hasard bienheureux des nominations a fait le reste. Comment ne pas y voir le signe du destin quand, à vingt ans, on est amoureuse ? J’ai été envoyée à Couso et Marcela à Calo, deux villages proches.
Si proches que nous nous sommes revues. Comment pouvait-il en être autrement ? Je la voulais. Je me suis juré, et je lui ai juré, que rien ne pourrait nous séparer. L’amour n’avait pas cédé d’un pouce et nous avons décidé de ne plus jamais vivre l’une sans l’autre, quel qu’en soit le prix. J’étais la plus âgée, c’était à moi de prendre notre destin en main : je suis venue m’installer à Calo, et nous avons habité ensemble, comme un couple, comme tous les autres couples, pendant sept ans. En 1898, Marcela a été nommée dans un autre village, Dumbría, à douze kilomètres. Douze kilomètres que je n’ai pas hésité à parcourir, chaque soir, pour aller la rejoindre, pour partager son lit, sa vie, quelques heures. Je me suis souvent demandé pourquoi cela n’a pas suscité davantage de réactions de la part de nos voisins. Car nous avions la paix. Plus encore, j’entretenais les meilleurs rapports avec les familles les plus en vue. J’étais quelqu’un, j’étais l’institutrice, et l’on me respectait. Dans l’Espagne de l'aube du XXe siècle, sans doute n’imaginait-on même pas que deux femmes puissent s’aimer, se désirer, se prendre par la taille et échanger un baiser volé, laisser vagabonder leur esprit l’une vers l’autre pendant que leur classe était studieusement attelée à un exercice, faire l’amour le soir venu et aspirer à ce que cela continue jusqu’à ce que la mort les sépare. Oui, nous avions à première vue la paix… Mais je voulais plus, beaucoup plus. Je voulais danser avec Marcela à la fête du village, je ne voulais plus ronger mon frein quand un jeune homme la courtisait, je ne voulais plus entendre que nous finirions vieilles filles, je voulais partager la joie de notre bonheur, je voulais offrir des oeufs à sainte Claire pour lui demander sa protection. Je ne sais pas comment cela a commencé. Est-ce parce que j’en avais toujours eu envie ? Ou parce que cela me permettrait d’être au grand jour ce que nous étions derrière nos murs ? Pour que Marcela échappe aux coups que lui donnait son père ? Comment aurions-nous pu officialiser notre amour, notre relation, notre union autrement ? Toujours est-il que j’ai estimé qu’il était temps. Temps aussi de commencer une nouvelle vie, libre, ailleurs, loin des difficultés, du passé, des sous-entendus. Mais comment faire ? Je n’ai pas eu besoin d’y réfléchir bien longtemps : nous devions être mari et femme ! Ma belle Marcela a aussitôt battu des mains, car oui, j’étais son petit mari depuis si longtemps, elle aussi voulait comme sa soeur sortir de l’église sous les acclamations, jeter son bouquet aux jeunes filles, s’établir enfin. À la faveur du carnaval, j’ai coupé mes cheveux et troqué mes robes pour des pantalons. J’étais devenue Mario Sánchez. C’est Mario Sánchez qui s’est rendu chez la mère de Marcela, devenue veuve, pour lui demander poliment la main de sa fille, sans lui dissimuler sa véritable identité. Les cris de colère de Doña Gracia ont été entendus dans tout l’immeuble. Son dégoût a été tel que le lendemain, elle a quitté La Corogne pour sauvegarder sa précieuse réputation. C’est également Mario Sánchez qui s’est présenté à l’École Normale un beau jour de printemps 1901 pour solliciter la délivrance d’un certificat. À l’évidence, cette fois, je m’y suis assez bien prise puisque je suis repartie avec le document dans la poche ! Je ne me suis pas arrêtée là, j’ai aussi acheté deux billets pour l'Amérique, deux allers simples pour Buenos Aires ! Mais ce n’était qu’une première étape du projet que j’avais en tête pour parvenir à mes fins. Pour étayer mon personnage et consolider mon rôle, je me suis inspirée de l’histoire d’un cousin éloigné mort dans un naufrage : j’étais né et avais passé mon enfance à Londres et, à cause d’un père athée, je n’avais malheureusement pas eu la chance d’être baptisé. Le premier à y croire et à s’empresser de vouloir ramener une brebis égarée au sein du troupeau de Dieu a été le curé de la paroisse de San Jorge de La Corogne. Venant d’un jeune homme aux excellentes manières, en costume sombre, cravate et montre de gousset, le cheveu bien court avec une parfaite raie à gauche, il a tout accepté et consenti à ce que je suive le catéchisme : le 26 mars 1901, fort de l’autorisation de l’évêque et du don généreux dont j'ai gratifié la paroisse, il m’a baptisée. En lisant le registre, un détail l’avait pourtant fait hésiter : une certaine Elisa portait exactement mon nom. Après que je l’ai rassuré en lui expliquant très simplement qu’il s’agissait de ma soeur, tout s’est bien passé. Grâce à mon assiduité à l’église, il n’a pas tardé à me donner la première communion – ou plutôt, devrais-je dire, Mario a été baptisé et a reçu la communion. La confiance du prélat gagnée par ces preuves de mon sérieux et de mon engagement au sein de la paroisse, je n’avais plus qu’à engager l’ultime manoeuvre pour réaliser mon véritable désir : épouser Marcela. Elle allait devenir ma femme aux yeux du monde et nos vies seraient liées… peu importait sous quel nom, sous quel déguisement. J’ai fait part au curé de mon souhait d’épouser Mademoiselle Marcela Gracia Ibeas, institutrice de 29 ans, fille d’un capitaine de l’armée. Pour accélérer les choses, je n’ai pas hésité à salir nos vertus, avouant honteusement que ma bien-aimée était enceinte. L’honorable désir de réparer mes fautes a convaincu le prêtre de m’y aider. Et c’est ainsi que le samedi 8 juin 1901, à sept heures du matin, (j’étais tout de même soucieuse d’éviter qu’y assistent trop de gens, afin de protéger ma véritable identité), nous avons marché vers l’autel pour unir nos destins, dans l’église San Jorge. Notre photo de mariage en témoigne. Elle a orné la vitrine du photographe durant quelques jours, Marcela était resplendissante et moi j’avais l’air confiant de celui qui tient à son bras la promesse de son avenir. Nous étions allées chez le photographe juste après nous être régalées de chocolat noir et bien épais accompagné de churros croustillants chez l’une de nos témoins. Nous avons passé notre nuit de noces dans la pension Corcubión, calle San Andrés, une rue du centre de La Corogne où la propriétaire nous a donné sa chambre nuptiale avec un sourire complice. Le haut lit de noyer était tendu de draps fins, l’eau était chaude dans le broc, une collation attendait sous un linge, quelques branches délicates d’Ophrys abeille répondaient à un bouquet solaire de marguerites jaunes. Notre amour était fêté, notre amour était attendu. Je n’oublierai jamais cette nuit. Pour la première fois depuis bien des années, nous nous appartenions, notre bonheur était reconnu. Cela n’a malheureusement pas duré, comme je m’y étais attendue. Nous avons fini par être confondues et le scandale a été retentissant : la nouvelle s’est propagée dans toute la Galice, à Madrid, à travers l’Espagne, en Europe. Imaginez un peu… «Un mariage sans hommes» titraient les journaux, avec force détails et témoignages. Les jugements étaient unanimes pour nous condamner, pour exposer notre cas comme l’illustration des périls qui menaçaient la société. Une heureuse surprise dans ce concert d’aboiements : Sellier, le photographe de notre mariage, a refusé de montrer et de donner la photo de nous deux à qui que ce soit : «À moins qu’on me la vole, personne ne l’aura.» Dès lors, notre vie a été un véritable enfer. Outre les injures, les moqueries et les quolibets, j’ai perdu mon travail, Marcela aussi. Et nous avons été excommuniées. Comment l’Église a-t-elle justifié sa décision ? En me faisant passer un examen médical pour vérifier si j’étais un homme.
Notre situation devenait intenable et dangereuse. La Garde Civile s’apprêtait à venir nous arrêter quand nous avons pris la fuite : d’abord à Vigo puis à Porto, au Portugal. Nous étions recherchées. À Porto, nous avons été attrapées, emprisonnées, jugées et libérées. Mais l’Espagne réclamait notre extradition… Il fallait gagner l’Argentine. Notre histoire a tant excité les imaginations que les versions sont multiples. À Dumbría, les rumeurs ont longtemps continué à circuler ; l’essentiel était que l’histoire se termine bien pour la morale et que nous servions d’exemple : on a dit qu’après ma mort (je m’étais fait passer pour un homme, il était normal que je sois punie et que je meure en premier !), Marcela se serait mariée avec un homme, un vrai celui-là. Un livre sur nous, Elisa e Marcela - Alén dos homes (Editorial Nigratrea, Colección «Libros da Brétema»), paru en 2008, rapporte qu’avant notre départ, Marcela a eu une fille, que nous formions une famille, qu’une fois en Amérique, notre situation n’a pas non plus été de tout repos, qu’il nous a fallu encore échafauder bien des stratégies. Là-bas, je me serais appelée María Sánchez Loriga. Je me serais mariée, en 1903, avec Christian Jensen, de vingt-quatre ans mon aîné, dans le but de trouver un foyer pour y accueillir Marcela, devenue Carmen, en la faisant passer pour ma soeur. Mais ayant refusé de consommer l’union avec celui qui était mon mari, j'aurais éveillé ses soupçons, et après avoir fait des recherches, il aurait découvert qui nous étions… et tout aurait recommencé : un procès, une condamnation... En 1904, on perd notre trace… On nous laisse enfin à notre destin, l’une avec l’autre, vivre ensemble comme nous l’entendions, comme nous en avions toujours rêvé. Que reste-t-il de nous ? Pas une rue à notre nom dans cette ville de La Corogne où nous nous sommes rencontrées. Malgré les efforts du Colectivo de Lesbianas, Gays y Transexuales, “Milhomes”, le refus du maire est catégorique. Pourtant, même à l’époque, certains parents d’élèves s’étaient élevés contre le renvoi de l’une des meilleures institutrices que leurs enfants aient eu, arguant que «sa vie privée n’avait rien à voir avec son enseignement». Voilà en tout cas comment nous avons été les deux premières personnes de même sexe mariées en Espagne… parce qu’il me faut encore préciser un point, essentiel pour moi : l’acte de mariage n’a jamais été annulé. Dans les registres diocésains, nous sommes à jamais, officiellement et légalement, mariées.



En photo : Elisa et Marcela le jour de leur mariage, le 8 juin 1901, photographie Sellier.

Edit :
Billet repris sur Yagg.com le 10/09/2009. N'hésite pas à rendre visite à cet excellent site d'information animé par d'authentiques journalistes, et à t'inscrire sur la Communauté Yagg, où j'aurais plaisir à te retrouver ;-)

dimanche 9 août 2009

Un amour qui ose dire son nom


Ce 9 août est un jour particulier pour une personne que toi et moi ne connaissons pas directement, amie lectrice, mais qui appartient sans aucun doute et à plus d'un titre à notre cercle amical : Marion est une délicieuse citoyenne britannique de 80 ans qui, à la suite de la disparition de sa compagne, s'est tournée vers des associations LGBT parmi lesquelles Gay Surrey. C'est là (entre autres !) qu'officie Séverine, une chaleureuse jeune femme dont l'enthousiasme à soutenir les gays et les lesbiennes (entre autres !) ne tarit jamais. Par son intermédiaire, nous avons fait la connaissance de Marion, que Séverine a petit à petit apprivoisée. Cette dame nous fait l'honneur de nous permettre aujourd'hui de publier une lettre autobiographique destinée aux archives de l'histoire LGBT de la région où elle vit, dans le cadre d'une belle initiative de l'association Gay Surrey.
Marion, comme tu le constateras, amie lectrice, est une personnalité très attachante à l'histoire émouvante, qui prouve deux choses : l'importance qu'il y a à pouvoir compter sur la solidarité d'une communauté, et l'existence bien réelle de merveilleuses histoires "d'amour qui n'ose dire son nom" ailleurs que dans les livres.
Nous lui laissons la parole :

Je suis née à Portsmouth en 1929. Mon père servait dans la Royal Navy et ma mère tenait la maison. Mon enfance paisible et heureuse a basculé en ce jour de 1939 où la guerre a éclaté. Avec des milliers d'autres enfants, j'ai été évacuée afin d'échapper aux bombardements nourris qui n'épargnaient évidemment pas Portsmouth, port de premier plan pour la marine.
J'ai quitté l'école à 18 ans, pour m'inscrire au Service civil, sans savoir quoi faire d'autre. C'est là que je suis devenue amie avec une jeune fille de mon âge. Notre amitié a progressivement gagné en intensité et évolué vers vers une liaison sexuelle, sachant qu'à l'époque, en 1947, je doute qu'aucune de nous eût songé qu'elle pouvait être considérée comme lesbienne. Je crois même que nous ne nous étions pas rendu compte de ce que c'était. Je me rappelle avoir entendu parler de "l'amour qui n'ose dire son nom" avec Oscar Wilde, et qui l'avait conduit en prison, mais c'était un sujet que l'on n'abordait pas chez moi et, à 18 ans, j'ignorais ce que cela signifiait.
En 1952, j'ai quitté Portsmouth pour un hôpital universitaire de Londres, où je devais commencer mes études d'infirmière, car j'avais enfin choisi ma voie. Mon départ mit fin à cette histoire brève mais forte.
Le 1er décembre 1956, je suis entrée dans une maternité du sud de Londres pour achever ma formation de sage-femme. J'étais loin de me douter que ce jour-là, ma rencontre avec une autre étudiante appelée Eileen bouleverserait à jamais le cours de ma vie.
Une infirmière-chef de garde le soir de mon arrivée nous a demandé si nous nous connaissions avant, et comme ce n'était pas le cas, nous avons trouvé sa question très étrange. Rétrospectivement, je pense qu'elle avait dû pressentir quelque chose que nous, nous n'avions pas encore réalisé. Peu à peu, nous nous sommes liées d'amitié et durant les trois mois qui ont suivi, une attirance mutuelle s'est développée : nous étions en train de tomber amoureuses.
Cependant, entre les quatre murs d'un foyer pour infirmières, il était tout à fait impossible d'exprimer ces sentiments, sous quelque forme que ce fût.
Après un trimestre, chaque étudiante était affectée à seconder une sage-femme en charge d'un secteur donné de la région. Pour Eileen et moi, cela a été une catastrophe, car nous avons été envoyées à des kilomètres l'une de l'autre. Je me rappelle l'urgence qui nous poussait à nous retrouver, lorsque nous ne travaillions pas, et l'angoisse qui montait si l'une de nous arrivait en retard à ces rendez-vous ; entre nous, le contact physique le plus osé consistait à poser nos mains ensemble sur le guidon d'une bicyclette, l'espace de quelques minutes, en espérant que les passants ne s'en apercevraient pas.
Au bout de six mois, nous avons passé nos examens de fin d'études et nous avons été embauchées dans un hôpital situé près de chez Eileen. Sa mère m'a proposé de m'installer dans une chambre d'amis. La première nuit, sitôt que la maison a été plongée dans le silence, Eileen s'est glissée dans le couloir puis dans ma chambre, dotée d'un lit double, et nous sommes enfin devenues amantes. Nous le sommes restées jusqu'à la fin de nos jours — durant cinquante années.
Nos premières vacances en amoureuses se sont déroulées en France, avec la Vespa d'Eileen, qui nous a emmenées dans le sud, chargées de notre matériel de camping. Je n'avais jamais fait de camping avant cela, mais Eileen en avait l'habitude, et elle avait tout pris en main, ainsi qu'elle continuerait d'ailleurs à le faire désormais.
Quelle merveille d'être ensemble en permanence pendant tout un mois ! Je ne crois pas que nous nous soyons considérées comme un couple homosexuel, ou lesbien, nous n'étions que deux femmes qui allaient sur leur 30 ans, et commençaient à s'aimer de façon très intense et passionnée ; nous étions amoureuses, et nous formions des projets pour notre avenir. Nous voulions trouver un appartement près de l'hôpital. Nous aurions aimé voir notre amour béni à l'église, mais cela n'était pas possible dans les années 1960, où l'on était encore bien loin de songer au partenariat civil qui serait voté quarante ans plus tard.
Je crois que pendant toutes ces années, nous avons vécu dans le mensonge à l'égard du monde extérieur. Que ce soit dans l'appartement que nous avons déniché à notre retour de France, ou dans le cottage de deux chambres où, par la suite, nous avons emménagé, à la campagne, nous nous livrions à tout un remue-ménage de déplacement d'oreillers et de tables de chevet, pour donner l'impression que nous dormions seules. Nous avions des amis, bien entendu, mais pas de couples comme nous, des gens mariés ou des célibataires et, à une exception près, personne n'était au courant de la véritable nature de nos liens.
Nous avons vécu ensemble une vie magnifique de labeur, (nous étions infirmières-chefs), et de voyages : nous sommes allées en vacances aux quatre coins de l'Angleterre et dans la plupart des pays d'Europe, et nous avons même travaillé un temps au Moyen-Orient.
Depuis cinq ans, la vie a incontestablement changé. À l'époque où nous nous sommes connues, en 1956, les gays risquaient la prison pour le seul fait de vivre sous le même toit, et ils étaient souvent l'objet de chantages. En 1967, le projet de loi sur les crimes sexuels a été adopté, légalisant les rapports sexuels entre hommes de plus de 21 ans, dans le cercle privé mais pas dans une chambre d'hôtel.
Si les femmes étaient rarement incarcérées pour ces motifs, elles avaient indéniablement à en pâtir. Je me souviens de l'infirmière en chef d'un hôpital qui m'avait fait subir un interrogatoire en règle sur notre appartement : combien y avait-il de chambres ? (Une seule) ; combien y avait-il de lits ? (Un seul). Un jour, malheureusement, Eileen a été hospitalisée dans un état grave. Quand je suis arrivée pour la voir, j'ai découvert que son père m'avait interdite de visite.
Aucune de nous n'était "sortie du placard" auprès de ses parents. Cela ne se faisait pas dans les années 1950. Il est probable que ma mère se soit posé des questions, car Eileen a toujours eu l'initiative dans notre couple (ce qui sautait aux yeux de tous ceux qui fréquentaient notre cottage, mais je ne m'en suis aperçue que récemment, après la mort d'Eileen).
Les années ont passé et soudain, le 5 décembre 2005, le Partenariat Civil a été promulgué, accordant aux couples homosexuels une reconnaissance juridique. Enfin, nous nous sommes dit que nous avions obtenu quelque chose, nous qui espérions depuis cinquante ans voir notre union bénie à l'église ! Ce n'était pas la même chose, mais cela nous plaçait dans la légalité.
C'est ainsi que le 7 décembre 2005, nous nous sommes rendues à l'état civil pour la première partie des démarches, consistant à remplir une demande. La seconde partie des démarches devait se faire quinze jours plus tard. Mais dans l'intervalle, Eileen a été hospitalisée, elle était très malade.
J'ai pris contact avec les services de l'état civil, où l'on a été très gentil avec moi. Grâce à l'aide du médecin spécialiste qui s'occupait d'Eileen, et qui a confirmé qu'elle ne pouvait quitter l'hôpital, la cérémonie a été conduite dans sa chambre par l'officier de l'état civil, avec deux témoins réunis à la hâte. Enfin, le 17 janvier 2006, nous avons été officiellement unies.
Par malheur, la santé d'Eileen a continué à décliner, et elle est morte le 10 juillet 2006. Tout mon univers s'est écroulé. Eileen était ma vie et son départ m'a brisé le cœur à jamais.
Lorsque je regarde en arrière, je mesure la chance que nous avons eue de connaître une si longue et heureuse vie commune. Je sens sa présence auprès de moi dans le petit cottage que nous nous sommes acheté à la sueur de notre front et que nous avons tant chéri, je pleure souvent sur mes souvenirs. Je sais qu'elle veille sur moi, car comme elle le répétait à l'envi, elle m'aimait où que je sois.
Je me suis rendu compte que le fait de ne pas être "sorties du placard" impliquait que la plupart de nos amis ne se doutaient pas de la profondeur du chagrin qui m'habitait et m'habite encore, trois ans après. J'ai trouvé un réconfort extraordinaire auprès des adorables membres de l'association gay et lesbienne de soutien dans le deuil, The Gay Bereavement Project, de The Lighthouse, à Londres, ainsi que de Gay Surrey. Nous n'avons jamais eu d'amis homosexuels, or ce soutien m'a permis de parler de nous et de mes sentiments à des personnes qui me comprenaient parfaitement et parlaient la même langue que moi. Cela m'a également encouragée à "sortir du placard" auprès de gens que je connais depuis longtemps ou depuis peu et d'être fière de notre amour.
Pour qu'un jour, nous nous retrouvions enfin, n'ayant jamais été véritablement séparées.

Bonus :

Un extrait de Two Loves, de Lord Alfred Douglas (le Bosie d'Oscar Wilde) :
What is thy name?' He said, 'My name is Love.'
Then straight the first did turn himself to me
And cried, 'He lieth, for his name is Shame,
But I am Love, and I was wont to be
Alone in this fair garden, till he came
Unasked by night; I am true Love, I fill
The hearts of boy and girl with mutual flame.'
Then sighing, said the other, 'Have thy will,
I am the love that dare not speak its name.

Merci à Séverine Gévaudan.







mercredi 22 juillet 2009

Les plumes qu'on laisse aux indélicats


Aujourd'hui est un jour d'impuissance.
Nous apprenons avec tristesse et regret la fermeture d'État d'Esprit, la librairie gaie et lesbienne de Lyon. Avec tristesse et regret parce que la fermeture d'une librairie est toujours triste et regrettable. Pour nous, elle l'est en particulier lorsqu'il s'agit d'une librairie LGBT, puisque, et ce n'est pas la première fois que nous le disons ici, nous estimons celles et ceux qui prennent le risque de s'engager de cette façon. Nous les estimons tant et si bien d'ailleurs que nous leur accordons confiance, encouragements et soutiens fraternels (ce qui se traduit aussi, naturellement, en termes de facilités commerciales...)
La tristesse et le regret que nous ressentons sont donc démultipliés cette fois.
Tristesse et regret d'être flouées.
Tristesse et regret d'apprendre par une petite note sur un réseau social qu'on nous "dit un au revoir" collectif.
Tristesse et regret de n'avoir eu aucune nouvelle avant. Que nos appels soient restés sans réponse. Que l'on ait évité le dialogue. Que nos auteurs ne perçoivent pas leurs droits. Que l'on n'ait pas hésité à mettre en danger des structures hors des schémas de profit comme la nôtre, en les traitant avec la même désinvolture que celle que l'on réserve à des superstructures industrielles et financières comme Hachette-Livres (Lagardère Media), Editis (Planeta), etc. qui ont des chiffres d'affaires de plusieurs milliards d'euros annuels.

Nous voulons continuer à croire que l'on peut être un vrai professionnel passionné par son activité et la pratiquer selon des règles basées sur l'échange humain et un projet commun, et pas sur l'individualisme et le chacun pour soi. Sans eux, mais avec toi, amie lectrice, et avec les quelques libraires qui demeurent, contre vents et marées, fidèles à quelques beaux principes.


Merci Crazybuda.

vendredi 10 juillet 2009

Peach cobbler


Pour inaugurer ce nouveau thème de la cuisine rapportée aux livres que nous publions, je te propose, amie lectrice, de commencer par le plus frais, autrement dit le dernier : PLUS LOIN, de M. Carter.
Et, tu t'en doutes, il s'agit d'une recette... sucrée !
Oui, notre jeune héroïne se lie d'amitié avec un charmant couple de femmes qui vivent ensemble depuis 40 ans dans leur ranch du fin fond du Texas. L'une se charge plutôt de ce qui concerne la ferme et l'élevage, tandis que l'autre, institutrice à la retraite, tient la maison en douce figure domestique, qui ne manque pas de régaler sa moitié lorsqu'elle le peut. C'est là qu'intervient le Peach Cobbler...
Le peach cobbler est un dessert traditionnel du sud des États-Unis, que l'on peut décliner, à la manière du clafoutis ou des tartes, par exemple, selon la saison avec différents fruits. Bien sûr, cela donne lieu à un foisonnement de recettes, chacune se targuant de la plus grande authenticité, "celle de ma grand-mère", "la vraie telle qu'on la prépare là-bas depuis des générations", etc.
J'ai donc disposé d'une vaste palette pour composer ma propre recette/expérience. L'essentiel étant que le peach cobbler peut se résumer à une compotée de fruits couverte (ou posée sur) une pâte, l'ensemble étant cuit au four.
Ma proposition : des pêches fraîches pelées et coupées en morceaux au fond d'un plat à four beurré (ou d'une mini cocotte, pourquoi pas), sucre (cassonnade ou, pour ce qui me concerne, un peu de marmelade de goyave, qui se marie très bien à la pêche selon moi, mais ça n'est pas du tout orthodoxe), cannelle, cardamome (non orthodoxe non plus, mais tu auras compris, amie lectrice, que l'idée est de parfumer tes fruits).
La pâte consiste en farine, eau et/ou lait, levure, un peu de sucre, beurre fondu, tout cela grossièrement mélangé pour obtenir une consistance de pâte à crêpe très épaisse (les Américains soulignent souvent qu'elle peut et doit avoir des grumeaux...), que l'on étale par-dessus les fruits, avant de passer au four.
Ce dessert est présenté comme familial, délicieux et rapide à faire. J'ai vérifié. C'est vrai. Mais il n'est pas très étonnant non plus que le peach cobbler n'ait pas conquis le monde ;-))

En photo : mon expérience.

J'ajoute pour ton bénéfice et, je l'espère, ton amusement, une vidéo de démonstration "Comment faire un délicieux peach cobbler" avec une présentatrice qui sait captiver son auditoire et... ravir les sens, à défaut de cuisiner !

jeudi 9 juillet 2009

Nourritures terrestres


Lorsque nous préparons un livre, amie lectrice, nous sommes plongées dans ses plus secrètes entrailles pendant un temps assez long (oui, tu auras remarqué, nous n'aimons pas bâcler). Notre vie se met un peu à tourner au rythme du texte sur lequel nous travaillons et, chaque fois, les mets dont se régalent nos personnages excitent notre convoitise de gourmandes invétérées.
Nous voilà donc en testeuses de recettes, parfois improbables, comme tu le verras prochainement... Car je me suis dit que, peut-être, amie lectrice, tu serais partante pour participer à nos festins (!) ou, en tout cas, en avoir le compte-rendu, en guise d'illustration de tes (saines) lectures.
C'est pourquoi de temps en temps, je te livrerai ici le résultat de ces tentatives dont, je l'espère, tu pourras faire... ton miel.

mercredi 17 juin 2009

Plus loin, de Megan Carter. Collection Romance


Comme à mon habitude, à la veille de la sortie officielle d'un nouveau titre, j'ai le plaisir de prendre le clavier pour te le présenter, amie lectrice.
Il s'agit d'abord d'un livre de saison : tu pourras te détendre et penser à autre chose en le lisant paresseusement dans une chaise longue. Ou au coin du feu, plus tard, pour oublier la froidure...
Plus loin nous emmène dans le sud des États-Unis, suivre l'éveil à sa véritable nature (amie lectrice, à toi de deviner laquelle ;-) ) d'une jeune femme entourée d'amis d'enfance inséparables qui s'apprêtait à épouser un jeune homme parfait sous tous rapports.
L'un des charmes de ce livre, outre les rapports amicaux qui s'entremêlent aux rapports amoureux, c'est un couple de femmes qui vivent ensemble depuis de nombreuses années dans leur ranch, et montrent une image du bonheur positive et réaliste à la fois : les jeunes femmes vont apprendre beaucoup de ces grandes amoureuses.
La rencontre intergénérationnelle s'opère à l'occasion d'un développement historique distrayant, autour du fameux vol de l'or des Confédérés, qui va déclencher une fièvre parmi les personnages secondaires et rapprocher la protagoniste des deux propriétaires du ranch.

Le titre et la couverture marquent le fait que l'héroïne doit oser aller au-delà de ses habitudes sentimentales, morales et même professionnelles, alors qu'elle était passivement placée sur des rails sur lesquels elle n'avait pas idée de se poser de question - pas par manque d'intelligence, mais parce qu'elle se sentait bien comme ça... Jusqu'à ce que le vernis craque et que la réalité de son être profond (indépendance d'esprit, homosexualité et détachement à l'égard de l'argent ou de la réussite sociale) se manifeste, suscité par des événements extérieurs. À partir de là, elle devra imprimer une nouvelle orientation à sa vie.
Grâce à un caractère équilibré, mais aussi déterminé, Sara ne tergiversera pas longtemps avec elle-même et son désir, et c'est en cela que réside sa singularité : ses problèmes ne viennent peut-être pas d'elle, amie lectrice...

Celles qui l'ont lu en disent :
« Plus loin est tout simplement un livre charmant. (…) Le déroulement des relations entre Sara, Taylor et James est bien maîtrisé, et les personnages sont sympathiques. Il y a également une intrigue secondaire amusante de chasse au trésor moderne qui met en scène un couple de lesbiennes divertissant, attachant et très fin. En résumé, Plus loin est une agréable histoire sur l’amitié, l’amour, le risque et le refus de renoncer à ses désirs. »
C. Seajay, Books To Watch Out For.

« Carter tisse dans son histoire une intrigue secondaire axée sur un ranch dont les propriétaires sont un vieux couple de lesbiennes, qui représentent un merveilleux exemple d’amour pour les jeunes femmes du roman. » A. Furtado, Justaboutwrite.com.

« Plus loin, de Megan Carter, a tout ce qu’il faut : amour, sexe, action, mystère, humour, décors magnifiques. Chacune trouvera dans ce livre quelque chose qui lui plaira. » Kimiko’s LesFic Reviews.

  • Pour en savoir plus sur la collection ROMANCE, clique ICI
  • Pour commander le livre, clique ICI

mardi 19 mai 2009

Récréation !

Pour te détendre, amie lectrice, quelques minutes de plaisir avec cette vidéo de Bjork, qui rassemble plusieurs de nos fantaisies préférées, avec art et élégance.

lundi 13 avril 2009

Toulouse, la pluie... et Lola Van Guardia !


Le week-end pascal nous a vues mettre le cap sur la ville rose avec autant de fébrilité que la tienne à l'instant de découvrir ton premier oeuf de Pâques. Car si une folle passion pour le chocolat nous habite, nous aussi, cette impatience-là était celle de retrouver une amie de dix ans avec laquelle nous avons vécu de bien belles choses et que nous voyons trop peu... Lola Van Guardia/Isabel Franc (lire billet du 28/07/08 "D'où sors-tu?), de passage en France.
Il y avait longtemps que nous n'avions bu un verre ensemble, et nous avions bien des choses à nous raconter, la vie, les amies, les livres, les modèles alternatifs... Par un jour gris et froid, serrées entre larmes et rires autour de la chaleur des retrouvailles et d'un peu de vin. Nous avons parlé du passé et beaucoup de l'avenir, car l'expérience commune nous a appris à nous concentrer sur des projets excitants.
Et des projets excitants, il y en a plein les têtes, tu peux me croire, amie lectrice.


Merci Isabel Franc.

samedi 4 avril 2009

Merci


À toutes celles qui m'ont témoigné leur soutien récemment, en profitant de nos échanges autour de la sortie de Hancock Park, et m'ont demandé de mes nouvelles après le décès de ma mère*: être entourée par mes proches comme par vous m'aide considérablement à traverser cette épreuve le mieux possible. À vous toutes, amies lectrices, merci.
Je pense à vous et vous prépare un livre plein d'amour avec une fin très heureuse!
Céline

*billet du 11/01/09.

Merci **ChAtNoIr**

Impressions


Si l'éditeur - et en l'occurrence, l'éditrice - se charge de toute la préparation d'un livre pour la publication (lire, corriger, retoucher et retravailler avec l'auteur, assurer la mise en page, l'élaboration de la couverture...), et veille ensuite à sa diffusion, il faut entre l'avant et l'après l'intervention d'un tiers : l'imprimeur. Celui-ci peut se vanter de mettre la dernière touche à l'existence concrète de l'ouvrage. C'est pourquoi il est important, amie lectrice, de bien le choisir et d'établir un dialogue fructueux avec lui.
Nous avons la chance d'être établies non loin (3 bonnes heures de route) de l'un des spécialistes français de l'impression de livres. De sorte qu'à la veille de chaque publication, nous organisons une journée dédiée à l'imprimerie.
Mon goût prononcé pour les machines et la mécanique n'aura pas échappé à ta perspicacité, amie lectrice: autant dire que cette journée est une fête. Après un périple à travers le grand sud-ouest, nous entrons enfin dans le saint des saints, toujours accompagnées de notre chef de fabrication préféré, qui depuis bientôt six ans que nous lui sommes fidèles en connaît un rayon sur la littérature lesbienne internationale: le hangar recevant des machines si grandes que leurs conducteurs tout de bleu vêtus, tels des techno-touaregs, courent d'un bout à l'autre, montent sur leurs différentes zones de pilotage d'un saut, redescendent, repartent, rechargent la couleur à grands seaux qu'ils étalent avec des spatules semblables à celles des pâtissiers.


Nous avons eu lors de notre dernière visite, pour le "calage" de la couverture de Hancock Park, le plaisir de voir à l'oeuvre l'une des plus grosses du parc de notre imprimeur.Les photos qui illustrent ce billet en témoignent. Ces machines portent des noms et des marques qui fleurent bon les Alpes suisses, le grand air et la puissance. Oui, oui. Heidelberg.
Toujours tendues au moment de voir le résultat de ce que nous concevons sur des ordinateurs (l'image rendra-t-elle bien, son éclat sera-t-il restitué, n'avons-nous pas commis une erreur en prenant tel parti plutôt que tel autre, a-t-on fait les bons choix...?), en particulier cette fois où nous allions découvrir l'habillage d'une nouvelle collection, nous scrutons les premières feuilles de carton que la machine crache en rafales. D'abord les encres sont brouillées, sales, mêlées. Il faut avoir la patience d'attendre que les couleurs (les couleurs primaires) se règlent et se fixent conformément aux dosages et aux tons exigés. Enfin, cela commence à prendre forme et je respire. Ça va aller. Ça se présente bien. C'est magnifique.

Nous entrons alors dans une phase de discussion autour des ordinateurs et d'essais avec le conducteur de la presse et le chef: si on poussait le bleu? Pourquoi ne pas baisser les rouges? À combien sont les valeurs de telle couleur? Ne risque-t-on pas d'écraser l'image? Si l'on met l'ombre en valeur, le contraste ne desservira-t-il pas les jaunes? Bref, on règle chaque couleur, on teste en imprimant, jusqu'à obtenir le résultat qui nous paraît le plus beau et le plus conforme au projet esthétique de notre designer.


Le fracas des pistons couvre nos voix, les odeurs de graisse, de couleurs, de fixateurs emplissent l'atmosphère. C'est bon.
L'impression est lancée, les feuilles jaillissent avec une régularité musicale jusqu'à constituer un tas de près d'un mètre de haut.















Nous retraversons en sens inverse les zones de stock de papiers, d'impression, de coupe, d'assemblage, de brochage, de couture, de séchage, d'emballage… échangeant des sourires silencieux avec les différents intervenants de chaque étape, toujours accueillants pour le visiteur curieux, heureux d'échanger autour d'un métier toujours en évolution, à la pointe de la technologie et pourtant vieux de près de six siècles.


2, 3, 4, 5 © DLE. 1-Merci à thequickbrownfoxjumpsover...

lundi 2 mars 2009

Hancock Park, de Katherine V. Forrest


Si tu aimes les romans policiers, amie lectrice, tu connais sans doute Kate Delafield, de la police de Los Angeles. Elle officie sous la plume de la grande Katherine V. Forrest, sous la forme de huit volumes (à ce jour) d'enquêtes à la fois extrêmement précises et bien documentées, réalistes et d'une efficacité folle, et qui abordent en même temps des questions qui nous touchent. Quelques-unes de ces enquêtes ont été publiées en français il y a quelques années de cela chez notre confrère H&O (Meurtre au Nightwood Bar, On écrase bien les cafards, Meurtre par tradition).
Nous avons aujourd'hui la joie, amie lectrice, de te proposer la toute dernière enquête de Kate Delafield, Hancock Park.
Hancock Park bénéficie d'une construction redoutablement intelligente, où chaque détail compte, où les personnages sont denses, où l'héroïne est une femme humaine, aussi extraordinaire que peut l'être une femme ordinaire - un tour de force! Des scènes de procès alternent avec le suivi d'une enquête minutieuse et les tranches de vie d'une Kate sur le fil.
Pourquoi la plus récente, et pas celle qui suit la dernière traduite en français?
Pour plusieurs raisons :
La première, c'est que ce roman est excellent. Et pour les lecteurs qui ne connaissent pas la série, Forrest est à l'apogée de son art, il s'agit donc d'une très bonne façon de faire connaissance avec elle.
La deuxième, c'est que le thème d'arrière-plan que Forrest aborde ici nous tient à coeur.
La troisième, c'est que lire Hancock Park sans avoir lu les précédents ne pose aucun problème de compréhension pour tout ce qui est en rapport avec la vie personnelle de la protagoniste.


Photo LAPD Museum.

Du noir dans l'engrenage...


CAMBOUIS, la nouvelle collection de littérature policière des Éditions Dans L'Engrenage, voit le jour le 16 mars 2009 avec la publication de son premier titre, et pas n'importe lequel :
Katherine V. Forrest soi-même, avec sa célèbre et remarquable détective Kate Delafield, du L.A.P.D.
Nouvelle collection, nouvel habillage... Découvre ici, amie lectrice, à quoi ressembleront les "noirs" Dans L'Engrenage. J'espère qu'ils sauront te faire passer des moments... intenses.

jeudi 5 février 2009

Valentine et les mots d'amour


À destination exclusive des filles et femmes qui aiment les filles et femmes qui aiment lire, les Éditions Dans L'Engrenage relèvent leurs manches et mettent les mains dans le moteur pour ajuster un mécanisme ad hoc : une lettre d'amour...
Alors amie lectrice, si tu veux surprendre ta chère et tendre en lui offrant un livre qui va la transporter (catalogue ici ), nous te proposons d'y ajouter une lettre d'amour qui achèvera de te l'attacher jusqu'à la fin des temps.
Comment ?
Lors de ta commande, envoie un mail à danslengrenage @ yahoo.fr en précisant le nom de ta bien-aimée, et quelques détails que tu souhaites voir apparaître dans la lettre afin de la personnaliser (ce que tu veux). Tu souhaites qu'elle ait des accents érotiques ? Romantiques ? Poétiques ? Il n'y a qu'à demander !
Ta chère et tendre recevra son livre et une lettre d'amour de ta part, pour être assurée de connaître la plus belle des Ste Valentine.
Bonne fête à toutes !

Photo © DLE 2009.

mercredi 21 janvier 2009

Quatre minutes de beauté

Vu par hasard, et je ne le regrette pas, le film Quatre minutes, une oeuvre allemande de Chris Kraus, avec les magnifiques actrices Monica Bleibtreu et Hanna Herzsprung. Si tu ne l'as pas vu, n'hésite pas, amie lectrice !

jeudi 15 janvier 2009

Cartes de vœux

Comme toi sans doute, amie lectrice, je reçois en ce moment pas mal de cartes de vœux... Et j'ai décidé de t'en faire profiter. En voici quelques-unes ci-après. Enjoy.






François, de

WarzalaWorks, design, communication et illustration










SyVie, de

Sortir entre filles, site communautaire lesbien.










Pierre et Martial, de

Homo-libris, site de l'homosexualité dans la littérature.

dimanche 11 janvier 2009

Une vie


Le blog a ceci de particulier qu'il peut parfois prendre une tournure un peu plus personnelle que d'autres supports d'expression, et c'est bien pour cela que la mécanicienne a souhaité t'en proposer un, amie lectrice, pour te donner l'occasion de faire un peu mieux connaissance avec elle. C'est ce que je me proposais en commençant (cf billet "Inauguration" de mars 2008 http://leblogdeleditrice.blogspot.com/2008/03/inauguration.html ).
Depuis quelques mois (18 pour être exacte), les publications des Éditions Dans L'Engrenage ont manqué de régularité et, surtout, se sont parfois faites hors délais... Mea culpa, mea maxima culpa, amie lectrice.
La mécanicienne n'étant pas du genre à faire passer sa vie privée après son travail, elle a pris la liberté de passer tout le temps possible auprès de sa mère, durement touchée par la maladie. Elle a bien fait car le 02 janvier, sa maman s'est éteinte.
Ne me plains pas, amie lectrice, j'ai eu une mère véritablement extraordinaire (qui, je te le signale en passant, est à l'origine de cette maison d'édition, qu'elle a contribué à lancer). Il faut que tu saches qu'il existe des parents pour lesquels l'homosexualité n'a rien de problématique, et qui font passer le bonheur de leurs enfants avant toute autre considération.
Alors pour faire honneur à cette mère dont je suis si fière, je t'annonce une année 2009 riche en publications et en bonheurs de toutes sortes... Je suis au travail.
À très bientôt.

jeudi 1 janvier 2009

New Year's Eve


Amie lectrice, nous te souhaitons le meilleur pour la nouvelle année, des émotions, des sensations, des découvertes et des expertes, page deux ou page soixante-neuf... Une romanesque année 2009.